Précision sur l’indemnisation des biens de retour d’une DSP conclue par deux personnes publiques

Le Conseil d’Etat énonce qu’en cas de résiliation anticipée pour motif d’intérêt général d’une DSP conclue entre une personne publique et une personne privée, il est possible pour les parties d’aménager contractuellement l’indemnisation des biens de retour.

En revanche, il précise qu’aucune dérogation permettant de ne pas indemniser ou de n’indemniser que partiellement les biens de retour non amortis ne peut intervenir pour les DSP conclue entre personnes publiques (CE, 25 octobre 2017, n° 402921, Commune du Croisic).


Condition de paiement direct d’un sous-traitant

Le Conseil d’Etat énonce qu’il résulte des dispositions de l’article 8 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance et de l’article 116 du code des marchés publics en vigueur à la date du litige, repris à l’exception de son avant-dernier alinéa au I de l’article 136 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, que « pour obtenir le paiement direct par le maître d’ouvrage de tout ou partie des prestations qu’il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser en temps utile sa demande de paiement direct à l’entrepreneur principal, titulaire du marché, et au maître d’ouvrage ; qu’une demande adressée avant l’établissement du décompte général et définitif du marché doit être regardée comme effectuée en temps utile ».

Il précise par ailleurs que « l’établissement du décompte général et définitif du marché ne saurait faire obstacle à ce qu’il soit ordonné au maître d’ouvrage de verser à un sous-traitant une provision au titre d’une obligation non sérieusement contestable lui incombant dans le cadre de l’exécution du marché, dès lors que la demande de paiement direct lui est parvenue en temps utile » (CE, 23 octobre 2017, n° 410235, Société Colas Ile de France Normandie).


Pouvoir du juge du contrat en matière de pénalités de retard

Le Conseil d’Etat considère que les pénalités de retard prévues par les clauses d’un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu’est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d’exécution contractuellement prévus.

Il estime qu’elles sont applicables au seul motif qu’un retard dans l’exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n’aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.

Toutefois, il peut sur demande d’une des parties, et à titre exceptionnel, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l’ampleur du retard constaté dans l’exécution des prestations.

Il pourra faire droit à cette demande si les requérants démontrent le caractère manifestement excessif du montant des pénalités (CE, 19 juillet 2017, n° 392707).


Responsabilité du maître d’œuvre et vice de fabrication

Pour rappel, les principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs impliquent que des désordres apparus dans le délai d’épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent la responsabilité du maitre d’œuvre et des entreprises ayant réalisé les travaux, même s’ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans.

Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonérée, outre les cas de force majeure et de faute du maître d’ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n’apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

En outre, pour la CAA, un vice de fabrication, même s’il n’était pas décelable lors de la construction, ne constitue pas, en lui-même, une cause étrangère exonératoire pour les constructeurs.

En conséquence, le vice de fabrication est donc imputables au maitre d’œuvre, chargé d’une mission complète de maîtrise d’œuvre, sans que celui-ci puisse utilement se prévaloir de la circonstance qu’il n’a commis aucune faute tant dans la conception que dans le contrôle des travaux (CAA Versailles, 30 novembre 2017, n° 15VE03750).


Pas de mise en concurrence en cas de vente d’un bien domanial au plus offrant

Par jugement du 21 septembre 2017, le tribunal a rejeté le recours présenté par l’association « Les amis de la maison de Jean Moulin » tendant à l’annulation de la délibération du 15 décembre 2015 par laquelle le conseil municipal de Béziers avait autorisé la vente de la maison natale de Jean Moulin à une société privée en vue de sa réhabilitation, avant sa rétrocession à la commune, pour en faire un musée.

Les juges ont considéré que l’opération approuvée par la délibération en litige constituait une vente dont le prix sera partiellement payé sous la forme de la réalisation et du financement par l’acquéreur de travaux de réhabilitation et d’aménagement de l’immeuble dont une partie sera ensuite rétrocédée à la commune.

Le jugement est intéressant en ce qu’il retient que la délibération n’avait pas à être précédée d’une mise en concurrence avec publicité. Il considère que l’opération, qui ne présente pas le caractère d’une convention publique d’aménagement, s’apparente à la vente d’un bien domanial au plus offrant, laquelle n’est pas soumise au respect d’une telle procédure.

Il se fonde à ce titre sur l’absence de pouvoir de contrôle de la commune sur les travaux à réaliser et sur l’objet principal du contrat, qui ne concerne pas les seuls travaux de réhabilitation du bien destiné à être rétrocédé, mais porte sur l’aliénation de l’ensemble de l’immeuble dont la plus grande partie doit être conservée par la société pour être commercialisée sous la forme d’appartements (TA Montpellier, 21 septembre 2017, n° 1600753, Association Les amis de la maison de Jean Moulin).


Remise en cause du règlement de consultation possible de manière très exceptionnelle en cas d’atteinte à la confidentialité

Après avoir rappelé que dans le cas où l’autorité délégante prévoit que les offres seront remises selon des modalités et un calendrier fixé par le règlement de consultation qu’elle arrête, le respect du principe de transparence de la procédure exige en principe qu’elle ne puisse remettre en cause les étapes essentielles de la procédure et les conditions de la mise en concurrence.

Par ailleurs, lorsqu’un règlement de consultation prévoit que les candidats doivent, après une phase de négociation, remettre leur offre finale à une date déterminée, cette phase finale constitue une étape essentielle de la procédure de négociation qui ne peut normalement pas être remise en cause au cours de la procédure.

Néanmoins, le Conseil d’Etat admet une exception à ce principe en cas d’atteinte au principe de transparence.

En l’espèce, le pouvoir adjudicateur avait décidé de recourir à la négociation et le règlement de consultation en avait fixé les modalités.

Néanmoins, suite à une erreur, le pouvoir adjudicateur avait transmis l’offre de l’un des candidats à un autre, ce qui avait conduit celui-ci a modifié les règles de la négociation en cours de procédure, les informations divulguées étant de nature à nuire à la concurrence entre les opérateurs et à porter irrémédiablement atteinte à l’égalité entre les candidats, dans le cadre de la procédure en cours comme dans le cadre d’une nouvelle procédure si la procédure de passation devait, à brève échéance, être reprise ab initio.

Compte tenu de circonstances très particulières de l’espèce, le Conseil d’Etat a considéré que la décision du pouvoir adjudicateur, consistant à figer l’état des offres à la date de la divulgation, a entendu pallier l’atteinte à l’égalité entre les candidats et estimé qu’à cette date, les négociations avaient donné lieu à de nombreux échanges entre le pouvoir adjudicateur et les candidats qui avaient disposé d’un délai suffisant, et strictement identique, pour présenter leurs offres.

En conséquence, le Conseil d’Etat en déduit que « le juge des référés a pu, sans commettre d’erreur de droit ni dénaturer les faits de l’espèce, juger, par l’ordonnance attaquée qui est suffisamment motivée, que la métropole européenne de Lille avait pu, dans les circonstances très particulières de l’espèce et en l’absence de manoeuvre, décider de procéder au choix du délégataire non sur la base des offres, mais sur celle des offres intermédiaires déposées le 18 avril 2017 et complétées par les éléments fournis par les parties durant les négociations menées avec la métropole jusqu’au 19 mai 2017, alors même qu’en principe l’autorité délégante ne peut revenir en cours de procédure sur une étape essentielle de la procédure qu’elle avait prévue dans le règlement de la consultation » (CE, 8 novembre 2017, n° 412859, Transdev).


Un avenant peut modifier le prix définitif du marché

Dans un arrêt du 20 décembre 2017, le Conseil d’Etat rappelle que « rien interdit que les parties à un marché conclu à prix définitif puissent convenir par avenant, en particulier lorsque l’exécution du marché approche de son terme, de modifier le mécanisme d’évolution du prix définitif pour passer d’un prix révisable à un prix ferme »(CE, 20 décembre 2017, n° 408562, Société Area Impianti).


Conditions de légalité d’une clause de compréhension du français

Pour être régulière, une clause de compréhension du français doit :

  • Avoir un lien suffisant avec l’objet du marché ;
  • Ne doit pas occasionner un coût excessif pour le titulaire du contrat ;
  • Répondre à un objectif d’intérêt général sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (TA Lyon, 13 décembre 2017, n° 1074697, Préfet de la région Auvergne- Rhône- Alpes).

Recouvrement d’une créance née d’un contrat : il faut choisir !

Dans un jugement du 15 décembre 2017, le Conseil d’Etat précise qu’une personne publique qui souhaite recouvrer une créance née d’un contrat dispose de deux procédures alternatives : l’émission d’un titre exécutoire ou la saisine de la juridiction administrative.

Il précise de manière expresse le caractère alternatif de ces deux procédures, énonçant que « les collectivités publiques peuvent, en matière contractuelle, soit constater elles-mêmes les créances qu’elle détiennent sur leurs cocontractants et émettre des titres exécutoires, soit saisir le juge administratif d’une demande tendant au recouvrement de ces créances ; que toutefois, elles ne peuvent pas saisir d’une telle demande le juge lorsqu’elles ont décidé, préalablement, à cette saisine, d’émettre des titres exécutoires en vue de recouvrer les sommes en litige ; que dans un tel cas, dans la mesure où la décision demandée au juge aurait les mêmes effets que le titre émis antérieurement, la demande présentée est dépourvue d’objet et par suite irrecevable » (CE, 15 décembre 2017, n° 408550, Sociétés Ryanair Limited et Airport Marketing Service Limited).


Impossibilité de modifier substantiellement une DSP par avenant

Dans un arrêt du 9 mars 2018 (CE, 9 mars 2018, n° 409972, Compagnie des guides des parcs et passeurs du Mont-Saint-Michel), le Conseil d’Etat a précisé les conditions de modification des clauses tarifaires d’une DSP.

Après avoir rappelé que les délégations de service public sont soumises aux principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique, il indique que pour assurer le respect de ces principes, les parties à une convention de délégation de service public ne peuvent, par simple avenant, apporter des modifications substantielles au contrat en introduisant des conditions qui, si elles avaient figuré dans la procédure de passation initiale, auraient pu conduire à admettre d’autres candidats ou à retenir une autre offre que celle de l’attributaire.

Il précise notamment que l’objet de la délégation ne peut faire l’objet de modification et que l’équilibre économique du contrat ne peut évoluer de manière substantielle.

Ainsi, un pouvoir adjudicateur ne saurait modifier de manière substantielle une DSP par un simple avenant.