Limites à la condamnation solidaire dans le cadre d’un marché de travaux

En vue de faire construire un nouvel hôpital, le centre hospitalier de Rodez a confié à la fin des années 1990 une mission de maîtrise d’oeuvre à un groupement composé de la société Valode et Pistre, sociétés d’architectes, et de la société Ingerop, bureau d’études.

Une mission de conduite d’opération a été confiée à l’Etat (direction départementale de l’agriculture et de la forêt de l’Aveyron) et une mission d’ordonnancement, pilotage et coordination à la société Oger International.

Par un marché conclu en 2003, les travaux du lot n° 1  » Terrassements complémentaires, fondations, canalisations enterrées, gros oeuvre et charpente métallique  » ont été attribués à un groupement solidaire composé de la société Eiffage construction Midi-Pyrénées, de la société Eiffage Construction Garonne, de la société Lagarrigue, de la société BTP Andrieu Construction et de la société Cari devenue société Fayat Bâtiment ( » groupement Eiffage « ).

Saisi par le groupement Eiffage d’un litige relatif au règlement de ce marché de travaux, le Tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 3 juin 2014, notamment condamné :

  • Le centre hospitalier de Rodez à payer à ce groupement la somme de 2 075 505 euros au titre du solde du décompte général du marché
  • La société Valode et Pistre, la société Ingerop, la société Oger International et l’Etat à garantir le centre hospitalier de Rodez de cette condamnation à hauteur de, respectivement, 323 339,17 euros, 970 429,50 euros, 108 054,37 euros et 108 054,37 euros

Ce litige est l’occasion pour le Conseil d’Etat de se prononcer sur les limites à la condamnation solidaire des entreprises dans le cadre d’un marché de travaux.

Il énonce que lorsque l’une des parties à un marché de travaux a subi un préjudice imputable à la fois à l’autre partie, en raison d’un manquement à ses obligations contractuelles, et à d’autres intervenants à l’acte de construire, au titre de fautes quasi-délictuelles, elle peut demander au juge de prononcer la condamnation solidaire de l’autre partie avec les coauteurs des dommages.

En revanche, ces derniers ne peuvent être rendus solidairement débiteurs de sommes correspondant à des préjudices qui ne leur sont aucunement imputables, pas plus qu’à des sommes figurant dans le décompte général ne présentant pas de caractère indemnitaire (CE, 27 juin 2018, n° 409608).

Autrement dit, les entreprises sus-visées ne peuvent être légalement tenues qu’aux sommes correspondant à leur part de responsabilité dans la réalisation des préjudices subis.

En l’espèce, le Conseil d’Etat censure l’arrêt d’appel qui avait condamné la société Ingerop et la société Oger International en prenant en compte des sommes n’ayant pas de caractère indemnitaire et sans lien avec des fautes commises.

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