Une personne publique peut confier plusieurs services publics distincts mais connexes dans le cadre d’une DSP unique

Par un arrêt du 21 septembre 2016, la Haute Juridiction a jugé qu’une collectivité publique peut confier à un opérateur la gestion de plusieurs services publics distincts dans le cadre d’une DSP unique à la condition que ces services conservent un lien entre eux. Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat a jugé que les principes de libre accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats ne sont pas méconnus dès lors que le transport urbain, le stationnement et la mise en fourrière concourent à l’organisation de la mobilité des habitants du territoire et présentent entre eux un lien suffisant (CE 21 septembre 2016, Communauté urbaine du Grand Dijon, n°399.656, 399.699).


Le référé mesures utiles : un recours efficace pour les administrations dont les marchés sont irrégulièrement résiliés par le cocontractant

Suite à des retards de paiement, la société Shaerer Mayfield France a résilié unilatéralement le marché qui la liait au centre hospitalier Andrée Rosemon, alors même que le contrat ne stipulait pas la possibilité d’une telle résiliation. Le Conseil d’Etat a jugé que celle-ci était irrégulière et que le centre hospitalier était recevable à demander l’exécution des prestations par le titulaire du marché par la voie du référé mesures utiles, d’autant que résiliation litigieuse l’avait privé de moyens indispensables à l’exercice de sa mission de service public et exposait les usagers du service à un risque immédiat et que les pénalités infligées au titulaire étaient restées sans effets (CE 19 juillet 2016, Société Shaerer Mayfield France, n° 399.178).


Un arrêt intéressant sur les modalités de contrôle des compensations d’obligations de service public attribuées à un concessionnaire

Pour apprécier la conformité des compensations financières d’obligations de service public au droit européen sur les aides publiques, la Cour de justice de l’Union européenne et le Conseil d’Etat applique quatre critères cumulatifs issus de la fameuse jurisprudence Altmark (CJCE 24 juillet 2003, aff. C-280/00, § 88 à 94) : (i) l’entreprise bénéficiaire de ces compensations doit être chargée de l’exécutions d’obligations de service public clairement définies ; (ii) les critères sur la base desquels sont calculées ces compensations doivent être préalablement définis de manière objective et transparente ; (iii) ces compensations ne doivent pas excéder ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts générés par l’exécution des obligations de service public ; (iv) le choix de l’entreprise bénéficiaire doit être effectué soit dans le cadre d’une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat en capacité de fournir les services au moindre coût, soit sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et normalement équipée, aurait assumés pour exécuter ses obligations.

Par un arrêt récent, la Cour administrative d’appel de Marseille a eu l’occasion d’appliquer ces critères pour apprécier la légalité de compensations financières prévues par une convention conclue par la collectivité territoriale de Corse. En l’occurrence, elle a jugé que ladite convention était illégale sur trois critères. Elle a d’abord considéré que les paramètres de calcul n’étaient pas transparents. Elle a ensuite retenu que la collectivité territoriale de Corse n’établissait pas en quoi lesdits paramètres de calcul garantissaient l’absence de surcompensation. Elle a enfin jugé que la procédure de mise en concurrence avait méconnu le principe d’égalité de traitement des candidats et, par suite, que la désignation du bénéficiaire des compensations n’avait pas été effectuée dans le cadre d’une procédure permettant de choisir le candidat capable de fournir les services au moindre coût (CAA Marseille, 4 juillet 2016, Collectivité territoriale de Corse, n°15MA02101).


Des pénalités réclamées tardivement ne sont pas contraires au principe de loyauté

Le Conseil d’Etat a jugé que le prononcé tardif de pénalités de retard, en l’occurrence fixées en 2007 pour du retard pris entre février et mai 2001, ne méconnait pas le principe de loyauté des relations contractuelles, dès lors qu’elles sont prévues par le contrat. En outre, ces pénalités, qui représentent 26% du montant global du marché, ne sont pas manifestement excessives (CE 20 juin 2016, Société Eurovia Haute-Normandie, société Colas Ile-de-France-Normandie, n°376.235).


Le risque contentieux dans les contrats publics doit être pris en considération par les parties

Dans un arrêt du 11 mai 2016, le Conseil d’Etat a annulé la délibération du conseil municipal de Bordeaux autorisant la signature du contrat de partenariat relatif à la construction et à l’exploitation du nouveau stade de Bordeaux. Il a ainsi rappelé que le risque contentieux dans les contrats publics est tangible et qu’il doit être pris en considération par les parties à ces contrats. En l’espèce, les membres du conseil municipal avaient été insuffisamment informés sur les conséquences financières du recours à un contrat de partenariat dans la mesure où ni la subvention de 17 millions d’euros ni le montant estimatif annuel de 2,6 millions d’euros, correspondant au coût des impôts refacturés à la commune par le titulaire, n’avaient été pris en compte dans le calcul du coût prévisionnel global du contrat, en moyenne annuelle, pour la personne publique (CE 11 mai 2016, Stade de Bordeaux Atlantique, n° 383.768).


 Référé précontractuel : le juge peut vérifier qu’un marché public entre dans les compétences d’une personne privée candidate

 

Dans un arrêt rendu le 18 septembre 2015, le Conseil d’Etat a jugé qu’il incombe au juge du référé précontractuel de vérifier, s’agissant de la candidature d’une personne morale de droit public, que l’exécution du contrat en cause entre dans le champ de sa compétence et, s’il s’agit d’un établissement public, ne méconnaît pas le principe de spécialité auquel il est tenu (Association de gestion du CNAM des Pays de la Loire, n°390.041).

Par un arrêt du 4 mai 2016 relatif aux candidatures des personnes privées à un contrat de la commande publique, le Conseil d’Etat a considéré que s’il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de vérifier que l’exécution de contrat entre dans le champ de son objet social, il en va autrement « dans le cas où un texte législatif ou réglementaire a précisément défini son objet social et ses missions ». En l’occurrence, l’ADILE (agence départementale d’information sur le logement et l’énergie) pouvait, au regard des articles L. 366-1 du code de la construction et de l’habitation et L.232-1 et 2 du code de l’énergie, proposer des prestations de conseil aux particuliers en matière de performance et de rénovation énergétique de leurs logements (CE 4 mai 2016, ADILE de Vendée, n°396.590).


L’ordonnance n°2016-5899 du 23 juillet 2015 sur les marchés publics et son décret d’application n°2016-360 du 25 mars 2016 sont entrés en vigueur depuis le 1er avril 2016

Le décret n°2016-360 du 25 mars 2016 d’application de l’ordonnance sur les marchés publics permet de mettre en œuvre, pour les consultations lancées à compter du 1er avril 2016, les nouvelles règles en matière de marchés publics.

Ces textes fondent les nouvelles procédures, le Code des marchés publics étant abrogé dans l’attente d’une nouvelle codification des règles.


L’urgence peut justifier l’attribution provisoire d’une DSP

Dans un arrêt du 4 avril 2016, le Conseil d’Etat a indiqué qu’en cas d’urgence résultant de l’impossibilité soudaine dans laquelle se trouve une personne publique, indépendamment de sa volonté, de continuer à faire assurer le service par son cocontractant ou de l’assurer elle-même, elle peut, lorsque l’exige un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service public, conclure à titre provisoire un nouveau contrat de DSP sans respecter au préalable des règles de publicité prescrites. La Haute juridiction précise tout de même que la durée de ce contrat ne saurait excéder celle requise pour mettre en œuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence si la collectivité entend poursuivre la délégation du service ou, au contraire, pour organiser les conditions de sa reprise en régie ou pour en redéfinir la consistance (CE 4 avril 2016, Communauté d’agglomération du centre de la Martinique, n°396191).


L’impossible transmission du bordereau unitaire de prix de l’entreprise attributaire

Reprenant la doctrine de la CADA sur le secret en matière commerciale et industrielle, le Conseil d’Etat a jugé que la communication de renseignements peut être refusée si, par eux-mêmes, ces renseignements sont susceptibles de porter atteinte au secret industriel et commercial, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques. Si notamment l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire sont en principe communicables, le bordereau unitaire de prix de l’entreprise attributaire n’est quant à lui pas communicable, en ce qu’il reflète la stratégie commerciale de l’entreprise opérant dans un secteur d’activité et qu’il est susceptible, ainsi, de porter atteinte au secret commercial (CE 30 Mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan, n° 375.529).


L’impossible transfert à un tiers d’une convention de DSP sans l’accord de la personne publique délégante

La Cour administrative d’appel de Marseille a récemment eu l’occasion de faire application de la règle générale très ancienne (v. CE 20 janvier 1905, Compagnie départementale des eaux et services municipaux c/ Ville de Langres) selon laquelle l’exécution de tout ou partie d’un service concédé ne peut être cédée ou transférée par le concessionnaire à un tiers qu’avec l’accord de l’autorité concédante. En l’espèce, l’Etat avait confié en 1885 à la commune de Grasse la construction et l’exploitation d’un ouvrage d’adduction d’eau dénommé canal de Foulon. La commune de Grasse a voulu déléguer ce service public à un tiers par le biais d’une concession.

La Cour a jugé que ladite règle générale s’applique même en l’absence de stipulation en ce sens. Dès lors, le fait que le cahier des charges de la concession conclue entre l’Etat et la commune de Grasse autorisait cette dernière à concéder le cas échéant le service, ne la dispensait pas de consulter préalablement l’Etat concédant (CAA Marseille, 14 mars 2016, Commune de Grasse, n°14MA01872).