Droit de préemption et obligation d’information en cas d’ICPE

La Cour de cassation a précisé l’articulation entre, d’une part, l’article L. 514-20 du code de l’environnement qui prévoit que lorsqu’une installation soumise à autorisation a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d’en informer par écrit l’acheteur et, d’autre part, l’article  L. 213-2 du code de l’urbanisme qui énonce que toute aliénation faisant suite à l’exercice du droit de préemption est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable qui doit notamment comporter « les informations dues au titre de l’article L. 540-20 du code de l’environnement ».

Dans un arrêt du 15 septembre 2016, la Cour a estimé qu’avant l’entrée en vigueur de la loi Allur, l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme ne faisait peser sur le vendeur d’un bien aucune obligation d’informer le titulaire du droit de préemption de l’installation d’une ICPE sur le terrain en cause. Elle en déduit que ce dernier ne peut donc se prévaloir des dispositions de l’article L. 514-20 du code de l’environnement.

Autrement dit, l’obligation d’information prévue par l’article L. 514-20 du code de l’environnement ne pèse sur le vendeur que dans la mesure où le nouvel article L. 213-2 du code de l’urbanisme est applicable (Cass. Civ. 3ème, 15 septembre 2016, n° 15-21916).


Preuve de l’intérêt pour agir du voisin immédiat à l’encontre d’un permis de construire

Avec ses deux arrêts du 27 juillet 2016, le Conseil d’Etat confirme l’intérêt à agir particulier dont dispose le voisin immédiat à l’encontre d’un permis de construire et précise les éléments que le voisin immédiat peut apporter pour démontrer son intérêt à agir.

Ainsi, il juge que l’intérêt à agir est démontré lorsque le requérant établit être propriétaire d’immeubles situés à proximité immédiate de la parcelle d’assiette du projet, fait valoir qu’il subira nécessairement les conséquences du projet, implanté en limite de propriété, s’agissant de leur vue, ainsi que les troubles qui en résulteraient dans la jouissance paisible de ses biens.

Il met également en lumière les éléments de preuve permettant d’apprécier ces troubles, à savoir la production de certains des documents graphiques du dossier du permis de construire et une vue aérienne permettant d’apprécier l’importance de la construction projetée et sa proximité immédiate avec les biens (CE, 27 juillet 2016, Mme K et Carine C, n° 396840 et M.A. B., n° 396840).


Utilité publique et contrôle du juge de l’expropriation

Le Conseil d’Etat rappelle le degré de contrôle que doit exercer le juge de l’expropriation lorsqu’il se prononce sur le caractère d’utilité publique d’une opération nécessitant l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers.

Ainsi, le juge doit, d’une part, vérifier que l’opération en cause répond à une finalité d’intérêt général, d’autre part, que l’expropriant n’était pas en mesure de réaliser l’opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation et, enfin, opérer un bilan coût / avantage permettant de déterminer que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d’ordre social ou économique que comporte l’opération ne sont pas excessifs au regard de l’intérêt qu’elle présente.

Par ailleurs, il doit également s’assurer, au titre du contrôle sur la nécessité de l’expropriation, que l’inclusion d’une parcelle déterminée dans le périmètre d’expropriation n’est pas sans rapport avec l’opération déclarée d’utilité publique, s’il est saisi en ce sens.

En revanche, il n’a pas à contrôler la pertinence d’inclure telle parcelle dans le périmètre d’expropriation (CE, 6 juillet 2016, n° 371034, Commune d’Achères et Sarry 78).


Un voisin immédiat dispose par principe d’un intérêt à agir contre une décision d’autorisation de travaux au sein d’un établissement recevant du public (ERP)

En l’espèce, une société avait obtenu l’autorisation d’effectuer des travaux de réaménagement ayant pour effet de transformer un espace commercial de vente de cuisine en un espace de restauration.

Les premiers juges avaient jugé irrecevable la demande d’annulation des voisins immédiats du projet, faute pour eux de disposer d’un intérêt pour agir.

Dans un arrêt du 24 juin 2016, la Cour administrative d’appel de Nantes a annulé ce jugement et précisé que les voisins immédiats d’un ERP ont intérêt à agir contre une décision autorisant des travaux dès lors que ces derniers « peuvent être de nature à affecter la tranquillité et la qualité de vie du voisinage ».

On peut donc en déduire que les voisins d’un ERP disposant par principe d’un intérêt leur donnant qualité à agir contre la décision autorisant des travaux de réaménagement, non soumis à permis de construire, s’ils font état d’éléments relatifs à la nature, l’importance ou la localisation de l’ERP (CAA Nantes, 24 juin 2016, n° 16NT00777).


Précision sur l’intérêt à agir du voisin immédiat à l’encontre d’un permis de construire

Explicitant son arrêt du 13 avril 2016, le Conseil d’Etat précise que l’intérêt à agir contre une autorisation d’urbanisme d’un requérant est démontré s’il apporte la preuve de sa qualité de voisin immédiat du projet et s’il fournit des documents cartographiques permettant d’apprécier la nature, l’importance et la localisation du projet contesté.

En l’espèce, le Conseil d’Etat a précisé que tel était le cas, la requérante ayant produit « un acte de notoriété et une facture d’électricité établissant sa qualité de propriétaire voisin ainsi qu’un extrait de plan cadastral faisant apparaître la localisation du terrain d’assiette du projet par rapport à sa parcelle ainsi que la proximité de sa maison d’habitation avec ce lotissement et la voie d’accès à ce dernier » (CE, 20 juin 2016, Mme Del Prete, n° 386932).


Inopérance du moyen tiré de l’insuffisance de motivation des prescriptions d’urbanisme

Dans son arrêt Ciaudo (CE, 13 mars 2015, n° 358677), le Conseil d’Etat avait énoncé que « le titulaire d’une autorisation d’urbanisme est recevable à demander l’annulation d’une ou de plusieurs prescriptions dont celle-ci est assortie », tout en précisant que ce dernier « peut utilement soulever à l’appui de telles conclusions tout moyen relatif au bien-fondé des prescriptions qu’il critique ou au respect des exigences procédurales propres à leur édiction » et que «le juge ne peut annuler ces prescriptions, lorsqu’elles sont illégales, que s’il résulte de l’instruction qu’une telle annulation n’est pas susceptible de remettre en cause la légalité de l’autorisation d’urbanisme et qu’ainsi ces prescriptions ne forment pas avec elle un ensemble indivisible ».

Alors qu’il était saisi d’une demande tendant à l’annulation de certaines prescriptions dont était assortie une déclaration de non opposition à travaux, non motivée ni en droit ni en fait, le Tribunal administratif de Rennes a fait application de la jurisprudence Ciaudo et a estimé que le défaut de motivation ne pouvait être utilement invoqué à l’appui de telles conclusions.

Le défaut de motivation touchant à la forme de l’acte et non aux exigences procédurales propres à son édiction, un tel moyen est en effet inopérant (TA Rennes, 27 mai 2016, Mme Moreau, n° 1404395).


Pas d’application rétroactive de la définition de lotissement

Le Conseil d’Etat a eu à se prononcer sur l’application rétroactive des dispositions de l’article L. 442-1 du code de l’urbanisme définissant la notion de lotissement.

En l’espèce, en 2006, un terrain avait fait l’objet d’une division foncière qui avait conduit à sa division en plusieurs parcelles. En 2008, un permis de construire puis deux permis modificatifs avaient été accordés sur l’une des parcelles ainsi créées et contestés par les riverains

La Cour administrative d’appel de Nancy avait considéré que la division en deux lots du terrain d’assiette du projet constituait une opération de lotissement au sens de l’article L. 442-1 du code de l’urbanisme, appliquant de manière rétroactive les dispositions en vigueur au jour où le permis a été accordé mais n’existant pas lors des opérations de division foncière.

Dans un arrêt du 20 mai 2016, le Conseil d’Etat annule cet arrêt en ce qu’il a appliqué de manière rétroactive l’article L. 442-1 du code de l’urbanisme, estimant que ces dispositions « n’ont eu ni pour objet, ni pour effet de subordonner à une autorisation ou à une déclaration les divisions foncières opérées antérieurement à leur entrée en vigueur et qui n’étaient pas alors soumises à une telle autorisation ou déclaration ».

 

En d’autres termes, il ne saurait y avoir d’application rétroactive de la définition de lotissement (CE 20 mai 2016, Commune de Montigny-lès-Metz,  n° 382976).


Légalité de la conclusion d’un bail à construction sur le domaine public  

 

Dans un arrêt du 11 mai 2016, le Conseil a énoncé que « si la constitution de droits réels sur le domaine public de l’Etat suppose en principe la délivrance d’une autorisation temporaire d’occupation du domaine public, aucune disposition ni aucun principe n’interdit que l’Etat et ses établissements publics puissent autoriser l’occupation d’une dépendance du domaine public en vertu d’une convention par laquelle l’une des parties s’engage, à titre principal, à édifier des constructions sur le terrain de l’autre partie et à les conserver en bon état d’entretien pendant toute la durée de la convention et qui, comme les autorisations d’occupation constitutives de droits réels, confère un droit réel immobilier ».

Le Conseil d’Etat pose toutefois des conditions : les clauses de la convention ainsi conclue doivent respecter les dispositions applicables aux autorisations d’occupation temporaires du domaine public de l’Etat constitutives de droits réels, qui s’imposent aux conventions de toute nature ayant pour effet d’autoriser l’occupation du domaine public.

En l’espèce, si le Conseil d’Etat admet la possibilité de conclure un bail à construction sur le domaine public, il a annulé la convention de bail à construction en raison de son illégalité (CE, 11 mai 2016, Communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole, n° 390118).


Précision de la Cour de Cassation sur le point de départ du délai de l’article L. 213-7 du code de l’urbanisme relatif aux biens soumis au droit de préemption

L’article L. 213-7 du code de l’urbanisme prévoit notamment qu’«en cas de fixation judiciaire du prix, et pendant un délai de deux mois après que la décision juridictionnelle est devenue définitive, les parties peuvent accepter le prix fixé par la juridiction ou renoncer à la mutation ».

Dans un arrêt du 4 mai 2016 (Civ. 3e, 4 mai 2016, n° 15-14.892), la Cour de cassation a précisé que ce délai de deux mois commençait à courir « à compter de la date à laquelle la décision juridictionnelle est devenue définitive, soit à compter de la date à laquelle l’arrêt, devenu irrévocable, n’est plus susceptible de faire l’objet d’un recours ordinaire ou d’un pourvoi en cassation ».

La Cour de cassation a validé le raisonnement de la cour d’appel qui avait considéré qu’une décision définitive s’entend d’une décision contre laquelle aucune voie de recours ordinaire ne peut plus être exercée ». Dans ce cas, l’arrêt d’appel était exécutoire, le pourvoi en cassation n’étant pas suspensif.

Autrement dit, le point de départ du délai de renonciation est la date de signification de l’arrêt d’appel fixant le prix, malgré l’introduction d’un recours en cassation, lequel n’est pas suspensif.


Vers une extension aux collectivités locales du mécanisme de déclassement anticipé ?

Le 28 avril 2016, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi visant à étendre aux collectivités territoriales le mécanisme prévu pour l’Etat et ses établissements publics.de déclassement anticipé des biens immobiliers relevant du domaine public artificiel, prévu à l’article L. 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques.

Ainsi, en cas d’adoption par le Sénat de ce texte, les collectivités territoriales auront la possibilité de déclasser et de céder un bien de leur domaine public artificiel.

La cession devra, sur la base d’une étude d’impact pluriannuelle tenant compte de l’aléa, faire l’objet d’une délibération de l’organe délibérant de la collectivité et l’acte de vente devra, à peine de nullité, comporter une clause organisant les conséquences de la résolution de la vente.