Le Conseil d’Etat apporte des précisions sur l’appréciation de l’intérêt à agir contre un permis de construire

L’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, issu de l’ordonnance n°2013-638 du 18 juillet 2013, dispose que « Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation ».
Il résulte de ces dispositions qu’il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état, dans ses écritures et les documents qu’il produits, de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien.
Dans un arrêt du 10 février 2016, le Conseil d’Etat a jugé que c’est à bon droit que le Tribunal administratif de Marseille a considéré que les requérants étaient dépourvus d’intérêt à agir contre le permis de construire dès lors qu’ils se sont bornés à se prévaloir de leur qualité de propriétaires de biens immobiliers voisins directs à la parcelle destinée à recevoir les constructions litigieuses et que, par ailleurs, les pièces qu’ils ont fournies à l’appui de leur demande établissent seulement que leurs parcelles sont mitoyenne pour l’une et en co-visibilité pour l’autre du projet litigieux (CE 10 février 2016, M. et Mme C. et autres, req. n° 387.507).


Un exemple de déclaration sans suite non justifié par un motif d’intérêt général

Une communauté de communes a porté à la connaissance d’une société son intention de la déclarer attributaire des trois lots du marché de fournitures informatiques. Deux semaines après, son président a déclaré sans suite la procédure au motif que les besoins des services avaient été sous-évalués et que la communauté de communes entendait relancer une nouvelle procédure en adéquation avec ses besoins réels.
La Cour administrative d’appel de Nantes a jugé que l’abandon de la procédure ayant abouti à l’attribution du marché est en fait dû à un défaut d’évaluation précise de ses propres besoins par le pouvoir adjudicateur et ne peut être regardé comme justifié par un motif d’intérêt général.
La Cour en a conclu que la communauté de communes avait commis une faute à l’égard de la société, justifiant que celle-ci soit indemnisée de l’intégralité du manque à gagner subi du fait de l’inexécution du marché litigieux. L’indemnité a été calculée en appliquant un taux de marge de l’ordre de 20% au montant total du marché (CAA Nantes, 2 février 2016, Société SBS, n° 14NT01374).


L’office du juge du référé précontractuel

Le juge du référé précontractuel ne peut se prononcer sur l’appréciation portée sur la valeur d’une offre ou sur les mérites respectifs des différentes offres (voir en ce sens : CE 29 juillet 1998, Syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération clermontoise et Sociétés SPIE Batignolles et ANF Industries, n° 194.412).
En revanche, et comme l’a précisé le Conseil d’Etat le 20 janvier 2016, il lui incombe « lorsqu’il est saisi d’un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n’a pas dénaturé le contenu d’une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l’attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d’égalité de traitement des candidats » (CE 20 janvier 2016, Communauté intercommunale des villes solidaires – CIVIS- n° 394.133).


Constructeur, programme d’aménagement d’ensemble (PAE) et taxe locale d’équipement (TLE)

Dans un arrêt du 20 janvier 2016, le Conseil d’Etat rappelle que l’absence de réalisation de l’intégralité des équipements publics annoncés à la date prévue par la délibération du conseil municipal approuvant un programme d’aménagement d’ensemble (PAE) entraîne la restitution de l’ensemble des sommes versées antérieurement à cette date, si elle est demandée, ou l’impossibilité de percevoir la participation correspondante, lorsque cette dernière est établie postérieurement à cette date.
Cet arrêt précise qu’il appartient toutefois au juge qui estime que la participation, à caractère non fiscal, instituée en application de l’article L. 332-9 du code de l’urbanisme, n’est pas due, de rechercher d’office si le rétablissement de plein droit de la taxe locale d’équipement est susceptible de limiter le montant de la restitution ou de la décharge qu’il prononce. La restitution ou la décharge intégrale ne peut être prononcée que si l’instruction ne permet pas d’établir si la commune avait établi, et à quel taux, la taxe locale d’équipement à la date de délivrance du permis de construire (CE 20 janvier 2016, Commune d’Amanvilliers, n° 371.685).


Le décret n°2016-6 du 5 janvier 2016 allonge la durée de validité des autorisations d’urbanisme

Le décret du 5 janvier 2016 allonge la durée de validité des autorisations d’urbanisme (permis de construire, d’aménager, de démolir, décisions de non-opposition à déclaration préalable). Il porte le délai de validité initial des autorisations d’urbanisme de deux ans à trois ans.
Le décret offre aussi la possibilité de demander la prorogation de ces autorisations « deux fois pour une durée d’un an » (ce qui signifie que leur durée totale peut être étendue jusqu’à cinq ans à compter de leur délivrance).
Le délai de validité de l’ensemble des permis et des décisions de non-opposition à déclaration préalable portant sur des ouvrages de production d’énergie renouvelable pourra être prorogé plusieurs fois pour une année, jusqu’à l’achèvement d’un délai de dix ans à compter de la délivrance de l’autorisation d’urbanisme. Ces dernières dispositions étaient jusqu’alors réservées aux seuls projets éoliens.
Par ailleurs, le décret simplifie les formalités opposables aux travaux sur construction existante. Le seuil de soumission de ces travaux à permis de construire est en effet relevé de 20 m² à 40 m², sur l’ensemble des territoires dotés d’un plan local d’urbanisme ou d’un plan d’occupation des sols et plus uniquement en zones urbaines.
Le texte est entré en vigueur le lendemain de sa publication. Les dispositions relatives à l’allongement de la durée de validité des permis et des décisions de non-opposition à déclaration préalable s’appliquent aux autorisations en cours de validité à la date de publication du décret.


Le décret n°2015-1904 du 30 décembre 2015 : une modification du montant des seuils de procédure formalisée pour la passation des marchés publics et certains contrats relevant de la commande publique.

Depuis le 1er  janvier 2016, ces seuils sont relevés à :

135 000 € HT pour les marchés de fournitures et de services de l’État ;
209 000 € HT pour les marchés de fournitures et de services des collectivités territoriales ;
418 000 € HT pour les marchés de fournitures et de services des entités adjudicatrices et pour les marchés de fournitures et de services passés dans le domaine de la défense ou de la sécurité ;
5 225 000 € HT pour les marchés de travaux et pour les contrats de concessions.


Agents contractuels : le juge peut requalifier une démission en licenciement

Dans un arrêt du 30 décembre 2015, le Conseil d’Etat a indiqué « qu’il appartient au juge administratif d’apprécier si la décision par laquelle l’autorité administrative a accepté la démission d’un agent non titulaire doit être regardée comme un licenciement, eu égard notamment à la nature et à l’ampleur des modifications apportées au contrat, au comportement de l’employeur et aux motifs pour lesquels l’agent a cessé son activité ».
En l’occurrence, la Haute Juridiction a estimé que la décision du requérant de cesser son activité ne pouvait pas être regardé comme un licenciement dès lors qu’il avait bien accepté la modification de son contrat de travail (30 décembre 2015, Canton, n°384.308).


Retrait de permis de construire : le pétitionnaire doit bénéficier des garanties de la procédure contradictoire

Dans un arrêt du 30 décembre 2015, la Haute Juridiction rappelle l’importance du respect de la procédure contradictoire en cas de retrait d’un permis de construire. En l’occurrence, le maire de Hure avait informé la société Polycorn qu’il envisageait de rapporter le permis de construire qu’il lui avait accordé et lui impartissait un délai de dix jours pour présenter ses observations.
Le Conseil d’Etat a jugé qu’« en prenant pour point de départ de ce délai, pour estimer qu’il était suffisant, la date à laquelle le pli a été présenté au siège de la société et non la date à laquelle le courrier lui a été effectivement remis, alors que la société n’a pas négligé de venir retirer celui-ci à l’intérieur du délai de quinze jours, la cour a commis une erreur de droit ».
Ainsi donc, le délai laissé au pétitionnaire pour formuler ses observations doit courir à compter du jour où il a réceptionné le pli recommandé de la commune (CE 30 décembre 2015, Société Polycom, n°383.264).


L’extension du champ d’application du permis modificatif

Pour être accordé, un permis modificatif doit être sans influence sur la conception générale du projet initial. Un arrêt de 2013 avait semblé mettre, par principe, toute modification de l’implantation du bâtiment en dehors du permis modificatif. Le Conseil d’Etat est revenu à une approche plus classique en jugeant que la modification de l’implantation, comme des dimensions ou de l’apparence du projet, peut justifier le recours à un permis modificatif (avant l’achèvement des travaux)… à moins que l’ampleur du changement, outre sa nature, ne remette en cause la conception générale du projet et fasse ainsi obstacle à la délivrance d’un permis modificatif (CE 1er octobre 2015, Commune de Toulouse, n°374.338 ; voir dans le même sens : CE 30 décembre 2015, SCI Riviera Beauvert, n°375.376).).


Les limites de la protection fonctionnelle du maire

En application de l’article L. 2123-34 alinéa 2 du CGCT, chaque commune doit « accorder sa protection au maire, à l’élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l’un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère de faute détachable de l’exercice de ses fonctions ».
Par deux arrêts du 30 décembre 2015, le Conseil d’Etat a précisé que sont constitutifs d’une faute détachable de l’exercice des fonctions « des faits qui révèlent des préoccupations d’ordre privé, qui procèdent d’un comportement incompatible avec les obligations qui s’imposent dans l’exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une gravité particulière ».
La Haute Juridiction ajoute, malgré tout, que « ni la qualification retenue par le juge pénal ni le caractère intentionnel des faits retenus contre l’intéressé ne suffisent par eux-mêmes à regarder une faute comme étant détachable des fonctions et justifiant dès lors que le bénéfice du droit à la protection fonctionnelle soit refusé au maire qui en fait la demande ».
Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat a jugé que le maire n’avait pas le droit à la protection fonctionnelle. En effet, il s’était rendu coupable, d’une part, de détournement de biens publics révélant des préoccupations d’ordre privé. D’autre part, il avait tenu, lors d’une réunion publique, des propos constitutifs de provocation à la haine raciale envers les populations d’origine Rom qui, « eu égard à leur nature à leur gravité, procèdent d’un comportement incompatible avec les obligations qui s’imposent dans l’exercice de fonctions publiques » (CE 30 décembre 2015, Commune de Roquebrune sur Argens, n° 391.798 ; 391.800).