Le vice de forme d’une décision d’octroi d’une subvention n’entraine pas automatiquement la restitution des sommes versées

Prenant acte que lorsque l’administration constate que sa décision d’octroi d’une subvention est entachée d’une irrégularité de forme ou de procédure, celle-ci dispose de la faculté de régulariser le versement de cette subvention, le Conseil d’Etat en déduit qu’en cas d’annulation juridictionnelle d’une telle décision en raison d’un vice de forme ou de procédure, la subvention ne doit pas nécessairement être immédiatement restituée par son bénéficiaire à l’administration.

Saisie de conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à l’administration de recouvrer la subvention attribuée en raison de l’annulation pour vice de forme ou de procédure de la décision octroyant la subvention, la juridiction doit alors subordonner la restitution de la somme réclamée à l’absence d’adoption par l’administration, dans un délai déterminé par sa décision, d’une nouvelle décision attribuant une nouvelle subvention.

Autrement dit, le bénéficiaire d’une subvention devra restituer les sommes perçues si l’administration ne délibère pas de nouveau sur l’attribution de la subvention dans le délai fixé par le jugement (CE, 1er juillet 2016, n° 363047, 363134, Commune d’Emerainville et syndicat d’agglomération nouvelle de Marne-la-Vallée-Val-Maubuée).


Délai d’un an pour contester une décision administrative individuelle ne mentionnant pas les délais et voies de recours

 

Le Conseil d’Etat a limité la portée des dispositions de l’article R. 421-5 du code de justice administrative selon lequel le délai de deux mois prévu par les dispositions de l’article R. 421-1 du CJA pour contester une décision administrative ne comportant pas les délais et voies de recours n’est pas opposable.

Dans son arrêt du 13 juillet 2016, le Conseil d’Etat énonce que dans une telle hypothèse, « le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable » qu’il fixe à « un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance » (CE, 13 juillet 2016, n° 387763).


Renversement de la charge de la preuve en matière de méconnaissance du délai de convocation des conseillers municipaux

Dans un arrêt du 8 juin 2016, le Conseil d’Etat estime qu’il appartient désormais aux requérants de démontrer que le délai de convocation des conseillers municipaux à une séance de l’organe délibérant n’a pas été respecté.

Il énonce même que de simples allégations ne sont pas de nature « à remettre en cause les mentions factuelles précises du registre des délibérations, qui, au demeurant, font foi jusqu’à preuve contraire » (CE, 8 juin 2016, n° 388754, Dame D et a. contre commune de Massy).


Refus de publication d’une tribune de l’opposition et responsabilité pénale

Dans un arrêt du 20 mai 2016, le Conseil d’Etat rappelle que si un espace doit être réservé au sein du bulletin d’information municipale aux publications de l’opposition, un maire peut refuser une telle publication lorsque le contenu de l’article « est de nature à engager la responsabilité pénale du directeur de la publication ».

C’est notamment le cas lorsque l’article en cause présente un caractère manifestement outrageant, diffamatoire ou injurieux de nature à engager la responsabilité du maire, directeur de publication du bulletin municipal, sur le fondement des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (CE, 20 mai 2016, Commune de Chartres, n° 387144).


Le délai de convocation aux réunions des assemblées délibérantes ne semble plus être une formalité substantielle

 

Le juge administratif semble remettre en cause sa traditionnelle et sévère jurisprudence selon laquelle le non-respect du délai de convocation des élus entraîne l’illégalité de la délibération.

En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Douai avait à se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance du délai de convocation des élus, ces derniers ayant eu connaissance d’un projet de délibération 4 jours avant la séance et non pas 5 comme le prévoit les textes.

La CAA de Douai a rejeté cet argument, estimant qu’ « il ne ressortait pas des pièces du dossier que ce délai un peu plus court aurait, en l’espèce, été insuffisant pour lui permettre de prendre utilement connaissance du projet, préparer cette séance et exercer son mandat ; que, dès lors, l’absence de respect du délai fixé par l’article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales n’a pas privé M. A…d’une garantie et n’a pas été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision ».

La Cour semble donc dénier à cette formalité son caractère substantiel.

(CAA Douai, 19 mai 2016, Sieur A contre commune de Grande-Synthe, n° 14DA01418).


Attention au formalisme des titres de recettes !

Dans son arrêt du 17 mars 2016, le Conseil d’Etat rappelle qu’en application des dispositions de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, le titre de recettes individuel ou l’extrait du titre de recettes collectif adressé au redevable doit mentionner les nom, prénoms et qualité de la personne qu’il l’a émis et, d’autre part, qu’il appartient à l’autorité administrative de justifier en cas de contestation que le bordereau de titre de recettes comporte la signature de l’émetteur (CE, 17 mars 2016, Mme B. contre commune de Ris Orangis, n° 389069).


Réforme de la commande publique

Le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics parachève la réforme du droit des marchés publics entamée par l’ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015

Il constitue le décret d’application tant attendu de l’ordonnance n°2016-899 du 23 juillet 2015 qui transpose les directives n°2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et n°2014/25/UE du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux.

Reforme de la commande publique


Réforme du droit des concessions

La réforme du droit des concessions est entrée en vigueur le 1er avril dernier

L’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession ont transposé la directive communautaire 2014/23/UE du 26 février 2014.

Ces textes fondent le nouveau régime applicable aux concessions et précisent les règles relatives à la définition, la passation et l’exécution des contrats de concession.

Le régime mis en œuvre, notamment dans l’attribution du contrat de concession, présente de nombreuses similitudes avec la procédure d’attribution des marchés publics.

Les principaux apports de l’ordonnance du 29 janvier 2016 et de son décret d’application sont les suivants :

1°) une nouvelle définition du contrat de concession

L’article 5 de l’ordonnance énonce que :

« Les contrats de concession sont les contrats conclus par écrit, par lesquels une ou plusieurs autorités concédantes soumises à la présente ordonnance confient l’exécution de travaux ou la gestion d’un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l’exploitation de l’ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d’exploiter l’ouvrage ou le service qui fait l’objet du contrat, soit de ce droit assorti d’un prix ».

Il s’en suit quelques évolutions par rapport au régime antérieur :

  • l’introduction d’une nouvelle condition relative au risque économique de l’exploitation, qui doit être transféré au concessionnaire, en contrepartie du droit d’exploitation ;
  • une modification de l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales et de la définition de la délégation de service public qui désormais « est un contrat de concession au sens de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, conclu par écrit, par lequel une autorité délégante confie la gestion d’un service public à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l’exploitation du service, en contrepartie soit du droit d’exploiter le service qui fait l’objet du contrat, soit de ce droit assorti d’un prix » ;
  • une exclusion du champ d’application de la directive les concessions qui n’imposent pas au concessionnaire d’assumer les risques financiers de l’opération (hypothèse de certaines concessions d’urbanisme).

Article 5 de l’ordonnance

2°) L’exclusion des quasi-régies du champ d’application de la directive

L’article 16 de l’ordonnance prévoit ainsi une exception « in house », en prévoyant que ne sont pas soumis à ces dispositions les contrats de concessions attribués par  un pouvoir adjudicateur à une personne morale de droit public ou de droit privé, à la condition toutefois que :

  • le pouvoir adjudicateur exerce sur le concessionnaire un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services ;
  • la personne morale contrôlée réalise plus de 80 % de son activité dans le cadre des tâches qui lui sont confiées par le pouvoir adjudicateur qui la contrôle ou par d’autres personnes morales qu’il contrôle ;
  • la personne morale contrôlée ne comporte pas de participation directe de capitaux privés.

Sont également exclus du champ d’application de la directive les contrats de concession :

  • par lesquels les pouvoirs adjudicateurs, y compris lorsqu’ils agissent en qualité d’entité adjudicatrice, établissent ou mettent en œuvre une coopération dans le but de garantir que les services publics dont ils ont la responsabilité sont réalisés en vue d’atteindre les objectifs qu’ils ont en commun ;
  • une entité adjudicatrice avec une entreprise liée ou par un organisme exclusivement constitué par plusieurs entités adjudicatrices en vue de réaliser une ou plusieurs activités d’opérateur de réseau avec une entreprise liée à l’une de ces entités adjudicatrice ;
  • passés par un organisme constitué exclusivement par des entités adjudicatrices pour exercer une ou plusieurs des activités d’opérateur de réseau avec l’une de ces entités adjudicatrices ainsi qu’aux contrats de concession passés par une entité adjudicatrice avec un tel organisme.

Article 16 et suivants de l’ordonnance

3°) Etablissement de deux procédures de passation des contrats de concession

L’une est applicable aux contrats de concession (sauf ceux intervenant en matière d’eau potable, de transport de voyageurs et de services sociaux ou spécifiques) dont le montant est supérieur à 5,186 M€ et prévoit la publication  d’un avis de concession au JOUE, au BOAMP et d’une publication spécialisée dans le domaine économique

L’autre s’applique pour les contrats dont le montant ne dépasse le seuil mentionné ci-dessus et prévoit seulement la publication d’un avis de concession au BOAMP et, quel que soit leur montant aux contrats de concessions intervenant en matière d’eau potable, de transport de voyageurs et de services sociaux ou spécifiques.

Article 15 du décret

4°) Définition de critères pour déterminer le concessionnaire

L’autorité concédante doit informer les candidats à l’attribution du contrat des critères d’attribution objectifs qui lui permettront de choisir le concessionnaire.

Article 26 du décret

Au nombre de ces critères, peuvent figurer notamment des critères environnementaux, sociaux, relatifs à l’innovation.

Lorsque la gestion d’un service public est déléguée, l’autorité concédante se fonde également sur la qualité du service rendu aux usagers.

Article 27 du décret

Lorsqu’elle met en œuvre la procédure formalisée, l’autorité concédante doit, dans l’avis de concession, dans l’invitation à présenter une offre ou dans tout autre document de la consultation, lister les critères d’attribution par ordre décroissant

Article 27 du décret

5°) Possibilité de déroger aux principes de publicité et de mise en concurrence

Une telle dérogation est toutefois limitée aux deux hypothèses suivantes :

  • le contrat de concession ne peut être confié qu’à un opérateur économique déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité ;
  • lorsqu’aucune candidature ou aucune offre n’a été reçue ou lorsque seules des candidatures irrecevables au sens de l’article 23 ou des offres inappropriées au sens de l’article 25 ont été déposées, pour autant que les conditions initiales du contrat ne soient pas substantiellement modifiées et qu’un rapport soit communiqué à la Commission européenne si elle le demande.

Article 11 du décret

6°) Obligation pour le concessionnaire de remettre à l’autorité concédante un rapport annuel d’information

Ce rapport doit notamment contenir :

  • les comptes retraçant la totalité des opérations afférentes à l’exécution du contrat de concession ;
  • une analyse de la qualité des ouvrages ou des services.

En cas de délégation d’un service public, ce rapport doit permettre à l’autorité concédante d’apprécier les conditions d’exercice du service public.

Article 52 de l’ordonnance

7°) Précision des hypothèses dans lesquelles le contrat de concession peut être modifié

Le contrat de concession peut notamment être modifié :

  • lorsque les modifications, quel que soit leur montant, ont été prévues dans les documents contractuels initiaux, sous la forme de clauses de réexamen ou d’options claires, précises et sans équivoque.
  • lorsque des travaux ou services supplémentaires sont devenus nécessaires et ne figuraient pas dans le contrat de concession initial, sous certaines conditions ;
  • lorsque la modification est rendue nécessaire par des circonstances qu’une autorité concédante diligente ne pouvait pas prévoir ;
  • lorsqu’un nouveau concessionnaire se substitue à celui auquel l’autorité concédante a initialement attribué le contrat de concession, dans l’un des cas suivants :
  • lorsque les modifications, quel qu’en soit le montant, ne sont pas substantielles.
  • lorsque le montant de la modification est inférieur au seuil visé à l’article 9 et à 10 % du montant du contrat de concession initial.

Articles 36 et 37 du décret

7°) Obligation pour l’autorité concédante de consigner les états de la procédure

Cette consignation doit se faire par « tous moyens appropriés ».

Article 13 du décret

8°) Précision des délais à respecter pour la réception des candidatures et des offres

Le délai de réception des candidatures ou des offres est fixé par l’autorité concédante en fonction notamment de la nature, du montant et des caractéristiques des travaux ou services demandés au concessionnaire.

Pour les contrats de concession dont le montant dépasse les seuils , ces délais ne peuvent être inférieurs aux délais suivants :

  • le délai de réception des candidatures, accompagnées le cas échéant des offres, ne peut être inférieur à trente jours à compter de la date d’envoi de l’avis de concession ;
  • le délai de réception des offres ne peut être inférieur à vingt-deux jours à compter de la date d’envoi de l’invitation à présenter une offre ;

Ces délais peuvent être réduits de cinq jours lorsque l’autorité concédante accepte que les candidatures ou les offres soient transmises par voie électronique.

Article 18 du décret


Les nouveautés issues de l’ordonnance n°23-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics (laquelle est entrée en vigueur au 1er avril 2016) :

L’ordonnance du 23 juillet 2015 prévoit d’importantes évolutions dans le droit de la commande publique :
Tous les marchés publics passés par les personnes publiques (y compris les EPIC) sont désormais qualifiés de contrats administratifs, relevant de la compétence du juge administratif.
Le concours d’architecte relève du droit commun des procédures de passation des marchés publics.
L’allotissement devient un principe général sauf (i) si l’objet du marché ne permet pas l’identification de prestations distinctes, (ii) s’il s’agit de marchés publics globaux ou de (iii) marchés publics de sécurité et de défense.
L’ordonnance consacre la possibilité de limiter le nombre de lots attribués à un même opérateur.
La sous-traitance des « tâches essentielles » peut être davantage limitée par le pouvoir adjudicateur quant à son étendue.
Les possibilités de recours aux marchés publics globaux sont élargies.
De nouveaux cas d’exclusion sont prévus, comme celui d’écarter d’office (après une procédure contradictoire) une offre d’une entreprise qui, au cours des 3 dernières années, n’a pas donné satisfaction dans un précédent marché, au point que celui-ci a été résilié et que des dommages-intérêts ont dû être versés. Si le motif d’exclusion frappe le membre d’un groupement, un délai de 10 jours est laissé audit groupement afin de remplacer l’entreprise visée. Le même mécanisme est prévu pour les titulaires dont le sous-traitant poserait problème.
Les contrats de partenariat, issus de l’ordonnance du 17 juin 2004, entrent dans la catégorie nouvelle des marchés de partenariat, soumis aux dispositions générales sur les marchés publics (à l’exception de certains articles, en particulier ceux sur l’allotissement, l’interdiction du paiement différé, etc.).
Les délibérations de la Commission d’appel d’offres peuvent être organisées à distance.


Marchés publics : le Conseil d’Etat apporte des précisions sur les documents communicables

Les marchés publics et les documents qui s’y rapportent, y compris les documents relatifs au contenu des offres, sont des documents administratifs au sens des dispositions de l’article 1er de la loi du 17 juillet 1978. Il revient aux juges du fond d’examiner si, par eux-mêmes, les renseignements contenus dans les documents dont il est demandé la communication peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret industriel et commercial et faire ainsi obstacle à cette communication en application des dispositions du II de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978.
Dans un arrêt du 30 mars 2016, le Conseil d’Etat précise que si, notamment, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire sont en principe communicables, le bordereau unitaire de prix de l’entreprise attributaire n’est quant à lui pas communicable , en principe, en ce qu’il reflète la stratégie commerciale de l’entreprise opérant dans un secteur d’activité et que sa transmission est susceptible de porter atteinte au secret commercial (CE 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan, n° 375.529).