Faute personnelle ou de service de l’élu diffamant son maire lors d’un conseil municipal ?

Un conseiller municipal avait vivement interpellé le maire lors d’un conseil municipal, lui reprochant d’avoir manqué aux règles de la commande publique.

Cet arrêt est l’occasion pour la Cour de cassation de rappeler que

  • Les tribunaux répressifs de l’ordre judiciaire sont incompétents pour statuer sur la responsabilité d’une administration ou d’un service public, en raison du fait dommageable commis par l’un de leurs agents ;
  • L’agent d’un service public n’est personnellement responsable des conséquences dommageables de l’acte délictueux qu’il a commis que si celui-ci constitue une faute détachable de ses fonctions.

En l’espèce, la Cour de cassation a infirmé l’arrêt de la Cour d’appel, estimant qu’avant de se reconnaitre compétente pour statuer sur la responsabilité civile de l’élu ayant agi dans l’exercice de ses fonctions, cette dernière était tenue, au besoin d’office, de rechercher si la faute imputée à celui-ci présentait le caractère d’une faute personnelle détachable de ses fonctions (Crim., 31 octobre 2017, n° 16-87.632).


Limitation de l’expression de l’opposition dans le bulletin municipal en cas d’article présentant un caractère manifestement outrageant, diffamatoire ou injurieux

Le Conseil d’Etat rappelle qu’en application des dispositions de l’article L. 2121-27-1 du CGCT, une commune de 3 500 habitants et plus est tenue de réserver dans son bulletin d’information municipale, lorsqu’elle diffuse un tel bulletin, un espace d’expression réservé à l’opposition municipale.

Il en déduit que ni le conseil municipal ni le maire de la commune ne sauraient, en principe, contrôler le contenu des articles publiés, sous la responsabilité de leurs auteurs, dans cet espace.

Toutefois, il estime possible de limiter ce droit lorsqu’il ressort de son contenu qu’un tel article présente un caractère manifestement outrageant, diffamatoire ou injurieux au regard des dispositions précitées de la loi du 29 juillet 1881.

En l’espèce, le Conseil d’Etat a jugé que la juxtaposition de cette tribune, au contenu manifestement erroné, et de la caricature du maire, représenté les poches remplies de billets de banque, faisant ainsi allusion, sans preuve, à sa malhonnêteté, présentait à l’évidence un caractère manifestement diffamatoire.

En conséquence, il a considéré que l’opposition du maire à la publication de cette tribune était régulière (CE, 27 juin 2018, n° 406081).


Précision sur les modalités de calcul de la surface des dispositifs publicitaires lumineux

Pour calculer la surface unitaire des dispositifs publicitaires lumineux, il convient de prendre en compte, non la seule surface de la publicité lumineuse apposée sur le dispositif publicitaire mais le dispositif lui-même dont le principal objet est de recevoir cette publicité, c’est-à-dire la surface du panneau litigieux tout entier (CE, 8 novembre 2017, n° 408801).


Attention aux relations amicales…

Une Cour d’appel avait jugé qu’était caractérisé le délit de prise illégale d’intérêts à propos d’un maire qui avait participé, outre aux étapes préalables désignant une société gérée par un de ses amis comme cessionnaire d’un terrain communal, aux délibérations du conseil municipal engageant la commune à garantir l’emprunt contracté auprès du Crédit Foncier par cette société et supprimant la condition résolutoire du contrat de cession qui obligeait celle-ci à consigner une somme destinée à assurer l’achèvement des travaux de démolition et de construction.

L’arrêt estimait qu’il se déduisait des circonstances de l’espèce que le maire avait pris dans cette opération, dont elle assurait l’administration, un intérêt en cédant, consciente de la relation qu’elle avait avec lui, le terrain communal à la société dirigé par un ami de longue date après avoir été, pendant plusieurs années, un partenaire de golf.

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel.

Autrement dit, l’existence d’un lien d’amitié peut entrainer une prise illégale d’intérêt (Crim. 5 avril 2018, n° 17-81.912).


Rappel : Interdiction des emplois familiaux dans les cabinets des petites communes rurales et exécutifs locaux

L’article 15 de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique modifie l’article 110 de la loi du 26 janvier 1984 ? relatif aux collaborateurs de cabinet.

Il est désormais interdit à l’autorité territoriale de compter parmi les membres de son cabinet les membres les plus proches de sa famille : son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ou concubin, ses parents et enfants ou ceux de son conjoint, partenaire lié par un PACS ou concubin.

Le champ d’application de cette loi porte uniquement sur les collaborateurs de cabinet, recrutés sur le fondement de l’article 110 de la loi précitée du 26 janvier 1984 et du décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987 relatif aux collaborateurs de cabinet des autorités territoriales. Le champ d’application de la loi porte uniquement sur les collaborateurs de cabinet, recrutés sur le fondement de l’article 110 de la loi précitée du 26 janvier 1984 et du décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987 relatif aux collaborateurs de cabinet des autorités territoriales (Réponse ministérielle n° 1933 : JO Sénat 12 avril 2018, p. 1785).

 


Recours au vote secret

Le Conseil d’Etat rappelle qu’un vote du conseil municipal au scrutin secret est irrégulier s’il n’a pas été demandé par un tiers de ses membres et considère qu’il ne peut être fait application de la jurisprudence Danthony.

En effet, il relève que « les dispositions de l’article L. 2121-21 définissant les conditions du scrutin secret, dont la méconnaissance constitue une irrégularité substantielle, ne sont pas relatives à une procédure administrative préalable à la délibération du conseil municipal, mais définissent les modalités de vote de la délibération elle-même » (CE, 5 juillet 5018, n° 412721, Commune de Mantes-la-Jolie).


Négligence de l’élu : Attention au risque pénal

Un élu, président d’une communauté de communes et d’un syndicat intercommunal, était pénalement poursuivi pour avoir, par sa négligence, permis le détournement de fonds publics, en l’occurrence presque 800 000 euros, commis par la secrétaire générale de la communauté.

La culpabilité de l’élu a été confirmée au motif qu’il avait signé pendant presque huit années, sans procéder à des vérifications élémentaires qui auraient révélé des anomalies patentes, les ordres de paiement étayés de quarante-sept fausses factures confectionnées à l’adresse du syndicat par la secrétaire générale de la communauté de communes, qu’elle lui a présentés et qui ordonnaient le virement des montants qui y figuraient au compte bancaire personnel de son époux.

Il a également été retenu qu’en s’abstenant de lire les documents présentés à sa signature par la secrétaire générale, en laquelle il avait une confiance aveugle, et en validant, sans en contrôler le contenu, des factures mensongères censées avoir été établies par une société qui, à sa connaissance, n’était pas en rapport d’affaires avec le syndicat qu’il présidait, l’élu a manqué aux devoirs de sa charge et commis une faute de négligence au sens de l’article 432-16 du code pénal (Crim. 22 février 2017, n° 15-87.328).


Indemnisation de la perte de bénéfice et du manque à gagner du fait d’un refus illégal d’autorisation d’urbanisme

Le Conseil d’Etat estime que la décision par laquelle l’autorité administrative s’oppose illégalement à une opération de lotissement constitue une faute de nature à engager sa responsabilité.

Par principe, la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l’impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison du refus illégal opposé à la demande de lotissement revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation.

Tel n’est pas le cas si le requérant justifie de circonstances particulières, telles que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs des lots ou l’état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l’espèce, un caractère direct et certain.

Dans une telle hypothèse, ce dernier est alors fondé à obtenir réparation au titre du bénéfice qu’il pouvait raisonnablement attendre de cette opération (CE, 12 juillet 2017, n° 394941).


Recours des tiers contre un acte d’approbation du contrat

Pour la CAA de Douai (CAA Douai, 18 mai 2017, n° 16DA01411, Communauté de communes de la Côte d’Albâtre), « les tiers qui se prévalent d’intérêts auxquels l’exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine sont recevables à contester devant le juge de l’excès de pouvoir la légalité de l’acte administratif portant approbation du contrat »

Elle précise que les tiers ne peuvent toutefois soulever, dans le cadre d’un tel recours, que des moyens tirés de vices propres à l’acte d’approbation, et non des moyens relatifs au contrat lui-même.

Pour rappel, les actes d’approbation  sont les actes qui portent sur des contrats déjà signés et qui conditionnent leur entrée en vigueur et non ceux, même s’il est indiqué qu’ils approuvent le contrat, qui sont relatifs à l’autorisation requise préalablement à la signature du contrat.


Office du juge en cas de nullité d’un contrat

Il appartient au juge, lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, d’en apprécier l’importance et les conséquences.

Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de vices, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, soit d’inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu’il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat.

En présence d’irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l’exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit relever d’office, l’annulation totale ou partielle de celui-ci.

Il peut enfin, s’il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu’il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l’indemnisation du préjudice découlant de l’atteinte à des droits lésés (CAA Bordeaux, 17 juillet 2017, n° 1BX02389 ; CAA Bordeaux, 17 juillet 2017, n° 16BX03518 ; CAA Bordeaux, 17 juillet 2017, n° 15BX01573).